Mathieu Martinière, un journaliste expert ? - © Lyon Capitale |
À tout prendre, je préfère les critiques de Pierre Assouline (cf. mes messages des 11 juillet 2008 et 26 décembre 2012) aux galimatias de Mathieu Martinière. Il ne suffit pas de se dire pigiste même journaliste, pour réaliser de bons articles réunis en dossier sur Wikipédia. Dans la forme et dans le fond, c'est sans consistance, quelques bonnes interviews mal utilisées mélangées à des avis de personnes de peu d'intérêt, ces derniers oblitérant le sérieux des premiers. Le parti-pris du rédacteur, transpire trop, tout au long des articles, pour crédibiliser l'ensemble du travail. Pourtant, il était averti que ce sujet perdait de son actualité par le « farouche détracteur [de] 2007, le journaliste et écrivain Pierre Assouline [qui] ne commente plus l’évolution de l’encyclopédie en ligne, mais se défend : "quand des critiques s’éteignent, c’est aussi synonyme d’indifférence et de lassitude" » ou qu'il n'y a plus matière, rajouterai-je (cf. mon message du 26 décembre 2012). Et c'est le plus gros reproche que l'on puisse faire, hormis les traditionnelles erreurs et contre-vérités, c'est le manque de matière, c'est cette critique qui a justifier le rejet de ce travail de pigiste par un grand média national. N'est pas Albert Londres qui veut « Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. » Faut-il avoir une plume.
Reprenons ces sept articles et faisons notre critique :
Faut-il avoir peur de Wikipédia ? 21 mai 2013
Bonne question, mais à la condition d'apporter de bonnes réponses, et de bonnes réponses, il n'y en a pas. Comme il l'annonce, Lyon Capitale aurait « enquêté au cœur du 6e site le plus consulté au monde », c'est aussi et surtout le premier site non commercial. Enquêter au cœur, je veux bien le croire mais j'en suis moins certain à la lecture quand je constate la banalité des propos, rien que nous n'ayons déjà tous lu quelque part.
Cet article est en quatre pages :
- Première page :
« En une décennie, Wikipédia a révolutionné le chemin de l’information et du savoir. Mais quelle est la véritable influence économique, politique et culturelle de l’encyclopédie en ligne ? » et « Son "savoir" est-il vraiment libre, réellement neutre ? » Ne chercher pas trop de réponses dans cet article vous ne les trouverez pas, reprenons ces cinq points :
- pour l'économie, nous lisons :
« 25 millions de dollars. C’est le montant record de la dernière campagne [2012] de dons à Wikipédia. »
D'abord ce n'est pas à Wikipédia mais pour Wikipédia et les autres projets et les dons vont à la Wikimedia Foundation et aux Wikimedia locales. De plus entre Juillet 2012 et avril 2013, c'est un total de $ 35 188 200 qui a été collecté auprès de 2 036 864 donateurs (tous les chiffres visibles sur le rapport 2012) :
- Les États-Unis ont contribués pour $ 24 523 562,
- la Grande Bretagne pour $ 2 331 849,
- le Canada anglophone pour $ 2 018 550,
- l'Australie pour $ 1 519 412,
- le Japon pour $ 1 248 685,
- l'Italie pour $ 968 912,
- la Russie pour $ 835 142,
- les Pays-Bas pour $ 723 165,
- l'Espagne pour $ 488 274,
- l'Inde pour $ 417 707 ; Les chapters - association locale - qui assuraient elles-mêmes la levée de fonds ont récolté sur la même période :
- la Wikimedia Germany $ 7 007 853,
- la Wikimédia France (et tous les autres pays francophones, Canada, Belgique, Suisse etc.) $ 1 790 132,
- la Wikimédia Suisse $ 518 846.
« En quelques années, les critiques, qui portaient essentiellement sur la fiabilité et le manque de rigueur, ont lâché du lest » et « pourtant, les erreurs grossières, les méprises innocentes et les blagues potaches subsistent. », on attendait juste un peu plus et mieux.
- pour la politique nous pouvons lire tout aussi banalement :
« Sur [les] pages en marge [des pages les plus suivies], les combats idéologiques et les conflits d’intérêts subsistent. » Euh ! Bah oui ! Voilà une révélation.
- pour un savoir libre :
rien, strictement rien sur la licence libre qui permet la réutilisation des articles de Wikipédia. Même rien, non plus, sur la liberté de contribuer qui est souvent confondue avec cette liberté de réutilisation.
- pour la neutralité :
rien non plus sur le principe de neutralité.
On aura peut-être plus de chance avec la deuxième page (la neutralité reviendra dans un autre article ci-dessous). - Deuxième page :
« Pour quelques milliards de dollars de plus »
Triste page qui partant du principe qu'il y a « depuis 2007, [un] nombre de contributeurs à Wikipédia en diminution sur la version anglophone, la plus populaire et la plus complète. Une baisse inquiétante » (cf. mon message du 17 juillet 2012) pour en faire la déduction que « Wikipédia pourrait basculer dans le chaos si de nouveaux bénévoles ne prennent pas le relais des anciens. Sa survie ne pourrait alors dépendre que de son passage à un modèle fondé sur la publicité et l’intérêt des grands groupes. » Voilà une ineptie qui démontre une méconnaissance de la communauté wikipédienne, ce que l'on peut éventuellement comprendre, mais pire d'une méconnaissance des acteurs d'Internet, lacune de taille pour quelqu'un, même pigiste, qui s’intéresse à ce sujet. Combien de fois faudra-t-il le répéter, les sites Wikipédia n'ont aucune valeur financière parce que justement cette communauté a su imposer un business plan alternatif à celui des géants d'Internet et à leurs bénéfices publicitaires. Il suffit de changer de modèle, nous écrit Mathieu Martinière. Voilà la bêtise et j'explique pour les ignares. Tous les projets de la Wikimedia Foundation sont mis en ligne sous "licence libre Creative Commons paternité partage à l’identique". Tous les contenus de tous les projets n'appartiennent donc à personne, n'importe qui peut les recopier en totalité et ... les remettre sur le net à partir d'un autre serveur. Pourquoi faire cela, faire ce qui s'appelle un fork - un site-miroir - comme il en existe déjà beaucoup ? Parce que la communauté des contributeurs aux projets est allergique à la publicité. Connaissez-vous beaucoup de contributeurs qui développent des articles sur ces sites-miroir comportant de la publicité ? Aucun, même Orange n'a pas tenté l'opération lors de la création de son site-miroir (cf. mon message du 2 avril 2012), même Facebook a abandonné l'idée de modifier Wikipédia à partir de ses pages communautaires. Donc, s'il venait à l'esprit d'un de ces géants d'Internet d'acheter les Wikipédia pour faire des bénéfices en introduisant de la publicité, ces géants achèteraient du vent. Dès le lendemain, les contributeurs, certainement tous les contributeurs ou à peu près tous, migreraient vers les Wikipédia-miroir et il ne faudrait certainement pas très longtemps pour que les lecteurs suivent aussi. Quelques milliards de dollars de plus n'y changeront rien.
« Wikipédia est une organisation à but non lucratif, dite d’intérêt public »
Pour le concours de bêtise celle-là est pas mal. Wikipédia n'est rien, ne vaut rien, on vient de le voir, c'est juste un site Web, rien de plus, certainement pas une organisation. Quand à la Wikimédia Foundation et aux Wikimédia locales, ce sont effectivement des fondations (au sens américain du terme) ou des associations (au sens français du terme). Elles sont effectivement à but non lucratif mais aucune n'est reconnue d’intérêt public (classification légale inexistante) ni d'utilité publique d'ailleurs (suivant la dénomination exacte). - Troisième page
« La galaxie Wikipédia »
carte d'identité de Wikipédia/Wikimedia Foundation présentée dans un joyeux mélange mais pas vraiment critiquable, les chiffres évoluent tellement rapidement qu'ils sont toujours exactes à un moment ou un autre. - Quatrième page
« Les créateurs de Wikipédia » et « Historique »
Pas d’erreur mais une collection d'imprécisions, on passe de la Wikipédia anglophone à la Wikipédia francophone et à la Wikimedia Foundation, pas facile d'y retrouver ses petits là-dedans.
12 définitions, « Ah ! Non ! C'est un peu court, jeune homme ! On pouvait dire ... Oh ! Dieu ! ... bien des choses en somme ». Je conseille la page d'aide autrement plus complète. Un effort quand même à signaler, les douze explications du jargon wikipédien sont recevables.
Le monde selon Wikipédia 27 mai 2013
Cet article aussi est en quatre pages avec quelques bons paragraphes mais avec une critique, critique que j'aurai tendance à généraliser, même s'ils sont bons, les sujets sont survolés, traités trop superficiellement, c'est juste un plan détaillé même pas du niveau d'un travail de maîtrise :
- Première page
« En un peu plus de dix ans, Wikipédia a tué les encyclopédies classiques, imposant un modèle libre, gratuit et collaboratif. Alors que les premières critiques portaient sur sa fiabilité, son principe de neutralité pose de vraies questions éthiques et philosophiques. Et si sa mission d’intérêt public, altruiste, prodigue et universelle n’était qu’une utopie ? »
La réponse, si c'est une réponse est traitée en deux paragraphes :
- « Personnalités imaginaires, citations inventées »
Que dire, rien, trois exemples réels plus une note de service, bien à propos d'ailleurs mais jamais suivie d'effet puisque les journalistes sont, avec les étudiants, une des plus grosses catégories de lecteurs, quatre faits qu'il faut bien citer si l'on veut montrer le manque de sérieux de Wikipédia. Mais y a-t-il vraiment un manque de sérieux ? Wikipédia est-elle vraiment à jeter ? Certains ont déjà répondu non à ces deux questions (cf. mon message du 15 mai 2012) - « Pastafarisme et Pokémons »
Là, il y a effectivement à dire puisque cette idée qu'il n'y a pas de culture, pas d'encyclopédie, sans hiérarchisation avancée par ce pigiste, avec d'autres, est une fable, une baliverne, lancée par les encyclopédies papier modernes pour expliquer leurs propres limitations des connaissances du fait d'un manque de pages. Aujourd'hui, les spécialistes des encyclopédies n'ont plus du tout cette analyse (cf. mon message du 22 mars 2013). Diderot, lui-même, a cherché à multiplier les volumes de l'Encyclopédie avec d'ailleurs l'organisation du savoir par des renvois, liens hypertextes avant la lettre. Ou encore, en introduisant dans l'Encyclopédie, ce qui serait aujourd'hui qualifié de sous-culture, comme la description des petits métiers des rues ou des cris corporatifs. Il est facile de démontrer que les encyclopédies papier modernes n'organisent pas les connaissances de la même façon, créant dans certaines d'elles, des manques criants, alors y a-t-il une bonne hiérarchisation des connaissances ? Certainement non. Et il ne faut pas oublier de noter que le Quid comportait des articles et des listes sur tout et n'importe quoi au point d'être plus une base de données papier qu'une encyclopédie organisant le savoir comme il aimait pourtant se présenter. Wikipédia n'a pas de limitation de place, les mémoires des serveurs peuvent recevoir une masse incommensurable d'articles, il n'y a que la volonté de quelques obsédés d'un certain encyclopédisme qui, n'ayant pu empêcher les articles sur les Pokémons, les sportifs de 365e division, les vedettes du porno et autres joyeusetés incluses maintenant définitivement, prennent une petite revanche en se basant sur une interprétation des PF - principe fondateur - en amputant Wikipédia d'une quantité importante d'articles sur toutes sortes de personnalités (cf. mes messages des 12 et 25 janvier 2013)
- « Personnalités imaginaires, citations inventées »
- Deuxième page
Cette page est aussi traitée, et même relativement bien traitée, en deux paragraphes :
- « Un dilemme pour les profs »
Rien à redire sur ce paragraphe, sinon le titre dilemme, bof ! Ce paragraphe est traité de façon équilibrée et mettant en lumière les seules choses que les profs ont à enseigner à leurs élèves ou leurs étudiants, le recul et l'esprit critique. Comme le dit Jean-Noël Lafargue, maître de conférences associé à l’université Paris 8 et cité dans l'article « Je remarque que beaucoup d’enseignants du secondaire disent à leurs élèves “N’utilisez jamais Wikipédia”. Ils ont tort, car il faut juste enseigner comment on l’utilise, pas en proscrire l’usage sans solution de rechange. » Que Loys Bonod n'ait entendu cela (cf. mon message du 24 mars 2012) - « Liberté, égalité, fraternité ? »
Deux idées connues et rabâchées composent ce paragraphe :
- l'ostracisme de certains membres des communautés wikipédiennes. « Comme n’importe quel club, Wikipédia a ses membres "anciens", qui sont souvent un peu jaloux de l’encyclopédie, qu’ils considèrent comme leur chose, et ils ont tendance à être désagréables avec les nouveaux venus », cela génère de grosses colères chez Jimmy Wales. Oui, mais bon, Jimbo tempête et alors, il est en possession de tous les pouvoirs puisqu'il a, avec le statut spécial de membre fondateur, tous les outils, qu'il fasse un exemple bien choisi au lieu de pleurnicher dans les colonnes du Figaro « nous sommes en fait des snobs. Notre communauté préfère les contributeurs férus de connaissances et estime que certains sont des idiots et ne devraient jamais écrire dans Wikipédia. » Pour une fois, Mathieu Martinière est lucide, « la parfaite connaissance des codes, des règles de l’encyclopédie, amène certains anciens à se comporter en véritable collège d’experts. À l’opposé des valeurs universelles et libres de Wikipédia », au qualificatif de libre près, personne n'a la liberté de faire n'importe quoi sur l'encyclopédie, il a juste le droit d'oser.
- la neutralité serait liée suivant Martinière à l'universalité des contributeurs, une façon encore originale d'aborder cette notion : « sur la version francophone, seulement 2 % des visiteurs proviennent d’Afrique subsaharienne. ». Voilà enfin une notion nouvelle, malheureusement énoncée et non argumentée. Dommage parce qu'il y a peut être quelque chose à tirer de cette constatation même si je n'en suis pas très acheteur. Quant à l'étude du laboratoire M@rsouin j'en ai fait, en son temps, un conte-rendu complet (cf. mon message du 24 novembre 2011).
- « Un dilemme pour les profs »
- Troisième page
Là encore deux sujets traités en deux paragraphes :
- « Drôle de guerre »
« Le relativisme est un des principes directeurs de Wikipédia, lié à sa neutralité. » Si l'on veut traiter du sujet de la neutralité sur Wikipédia, il faut soit bien comprendre le fonctionnement profond de l'encyclopédie, soit avoir un bon interlocuteur. Ici, rien de cela, Mathieu Martinière ou Jacques Dufresne, fondateur de L’Agora, encyclopédie canadienne en ligne, n'ont manifestement pas les connaissances suffisantes ; le relativisme n'est pas un principe directeur de Wikipédia, il n'y a que des PF et le relativisme n'en fait pas partie, il n'a rien à voir avec la neutralité. Le relativisme philosophique prend en compte les filtres personnels que nous interposons entre la réalité que nous voulons percevoir et ce que nous percevons effectivement, notre langue, notre culture, notre parti pris objectivé entre autre. Le relativisme scientifique nous oblige à déterminer, préalablement à toute observation, les références physiques de notre point d'observation, d'où nous voyons. Rien de tout cela dans la neutralité wikipédienne. Cette notion de neutralité nous oblige à tenir compte de tous les points de vue, peu importe d'où ils proviennent, peu importe le parti-pris objectivé ou pas. Nous devons, en cas de divergence de points de vue, retranscrire avec le poids des sources, et non celui de notre seul point de vue, l'ensemble des points de vue sourcés (cf. mon message du 7 novembre 2010). - « Des IP révélatrices »
Il fallait bien un petit paragraphe pour que Lyon Capitale continu à régler ses comptes avec la municipalité lyonnaise « le 1er novembre 2011, l’IP anonymisée a modifié la page de Lyon Capitale, en ajoutant un paragraphe relatif au licenciement de trois salariés du journal. Surprise : cette IP renvoie directement au réseau de la mairie de Lyon ». Et alors, tout le monde peut contribuer à Wikipédia, un journaliste pigiste de Lyon Capital pour vandaliser des articles, pourquoi pas un employé municipal pour indiquer les fautes de gestion du personnel de Lyon Capital, d'autant plus que l'information est maintenant correctement sourcée après le jugement des Prud'hommes qui condamne Lyon Capitale à verser 93 500 euros à trois anciens salariés journalistes pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse et discrimination syndicale. Qu'est-ce qu'un pigiste n'est pas prêt à faire pour faire plaisir au journal qui accepte de lui prendre son travail ? D'où vient l'IP de Lyonlyonlyonlyon qui s'acharne à retirer l'information sourcée de cette condamnation ? Pour le reste des faits exposés, ils sont déjà largement connus et repris ici ou là. Aucune nouveauté.
- « Drôle de guerre »
- Quatrième page
« Indignés, Anonymous, Wikipédiens »
Nous avons maintenant pris l'habitude de ses pages en deux paragraphes accolant des sujets sans véritable rapport entre eux autre que Wikipédia :
- « Placé dans les premiers liens des moteurs de recherche, Wikipédia détient un poids économique, politique et culturel hors du commun. »
Voilà une question qui méritait un bon traitement mais qui, comme tout le reste de ce dossier, est trop survolé. Pas facile de faire un bon travail d'étude de Wikipédia, même Assouline et ses étudiants, cités dans ce dossier, s'y sont casser les dents, et apparemment notre journaliste pigiste se les casse aussi. Il n'oublie pas de reprendre à son compte, sous forme d'une citation, une contre-vérité de plus, non Wikimédia ne détient pas le fonds éditorial de Wikipédia, il appartient à tous ceux qui veulent l'utiliser, le nombre de sites miroir de Wikipédia est là pour en témoigner. Quant au bon placement de Wikipédia dans les résultats de Google, se n'est pas le fait de Wikipédia, c'est uniquement une volonté de Google de crédibiliser ses retours avec une encyclopédie qu'il considère comme suffisamment sérieuse pour lui donner les moyens d'existence (sujet traité aussi dans un autre article de ce dossier). - « Wikipédia ne sera jamais terminée »
Encore une notion bien traitée qui méritait plus et mieux et qui se termine par une question intéressante dont nous aurions aimé une réponse plus complète. Dommage qu'il n'ai pas relancé Jean-Noël Lafargue : « je fais partie de ceux qui pensent que la culture “amateur” – Wikipédia, le libre – n’est pas la cause de cette dégénérescence culturelle, mais au contraire une saine réaction, une appropriation de la culture, du savoir, des outils, par de simples particuliers. Cela va aussi avec les Anonymous et autres Indignés qui réclament le droit au débat démocratique, non pas en tant que dirigeants ou en tant que dirigés, mais en tant que citoyens et en tant qu’individus. » cela était peut être une conclusion mais c'est une introduction qu'il fallait en faire. « Et si Wikipédia, plus que Facebook ou Twitter, et plus de douze ans après sa création, était le réseau social le plus influent sur son temps ? » Cette question, une de plus, méritait réponse.
- « Placé dans les premiers liens des moteurs de recherche, Wikipédia détient un poids économique, politique et culturel hors du commun. »
Nonopoly et Sebleouf - © T. Douet |
Une petite page pour présenter trop rapidement deux bons contributeurs très actifs sur Wikipédia. J'aurais aimer un peu plus d'informations sur leurs motivations et leurs perceptions de Wikipédia. Une page générale et une page sur chacun d'eux était le module nécessaire pour rester dans le cadre de ce dossier. Dommage encore.
- Sebleouf est contributeur sous ce pseudo depuis le 27 août 2006, plus de 320 000 contributions (3e contributeur de la Wikipédia francophone en nombre de contributions) dont 84 % dans main avec presque 1600 créations d'articles à son actif, administrateur depuis 22 juillet 2008.
- Nonopoly est contributeur sous ce statut depuis le 15 octobre 2007, plus de 56 000 contributions à son actif dont seulement 55 % dans main avec 2600 créations d'articles, administrateur du 3 décembre 2010 au 18 avril 2013 (suspension de son statut à sa demande).
Article en deux pages dont la première à motivé cette longue analyse de ce dossier.
- « Le test »
Je n'arrive pas à comprendre ce qui peut motiver un journaliste à vérifier, en vandalisant des articles de Wikipédia, un : qu'il est possible de le faire, deux : que c'est inutile de le faire. Il arrive même à ceux qui font un travail plus sérieux, sans parti pris de départ, de tomber encore et toujours dans ce même travers (cf. mon message du 14 novembre 2012). Mathieu Martinière se croit-il plus intelligent, plus rusé, plus vicieux, plus je-ne-sais-trop-quoi, pour réussir là où des milliers de vandales par jour ne réussissent pas ? Croit-il, tel un Loys Bonod qui se vante d'avoir pourri le Web, qu'il y a une gloire spéciale à réussir à pourrir Wikipédia plus que quelques minutes ou même quelques heures ? Que pense-t-il prouver ? Rien, sinon sa bêtise ; et cela est pitoyable. Quel esprit tordu faut-il avoir pour franchir intentionnellement une ligne jaune, un feu rouge ? Quel esprit incivique faut-il avoir pour ne pas respecter les recommandations de Wikipédia, les règles sociales, ou les lois en vigueur ? Est-ce du journalisme que de prouver par l'exemple que l'on puisse faire mal si on le veut ? Ce comportement est un comportement anti-social, ce n'est pas un comportement de journaliste responsable. Mathieu Martinière n'a rien montré que l'on ne sache déjà, un : certains journalistes préfèrent le sensationnel à la réalité, deux : Wikipédia est vandalisable par des crétins qui n'ont rien de mieux à faire. Bel exemple pitoyable de journalisme. - « Les plus gros “bidonnages” »
Il était particulièrement nécessaire de mettre bidonnage entre guillemets et le qualificatif gros est peu approprié. Un exemple sur la Wikimédia anglophone, un autre sur la Wikimédia francophone et un dernier sur la Wikipédia germanophone. Mais le sujet intéressant n'était pas l’existence de bidonnage mais comment Wikipédia envisage de se protéger des vandalismes subtils. Un "caca-prout" est facilement repérable, même des robots peuvent le faire et même revenir à une version correcte, mais des vandalismes subtils, c'est une autre affaire. Il faut que les patrouilleurs qui lisent tous les recent changes puissent repérer ce bidonnage qui n'est pas toujours évident à comprendre quand on n'a pas un minimum de connaissance du sujet. Tous les jours, un ou plusieurs articles sont des bidonnages mais heureusement jusqu'à maintenant, touchons du bois, il s'est toujours trouvé un contributeur pour s'étonner, pour chercher des sources, pour recouper les informations et pour finalement supprimer l'article. Mal informé, Martinière pense que ce sont les lecteurs qui détectent les erreurs et les bidonnages, et qu'un article est d'autant plus sensible au vandalisme qu'il est peu ou pas lu, c'est son article qui est bidonné quand il affirme cela. Non, toutes les modifications récentes sont quasiment lues en temps réel, tous les articles de Wikipédia, ou a peu près, sont dans les listes de suivi des contributeurs actifs, il y a donc très peu de chance qu'un vandalisme passe au travers des mailles du filet. Et pourtant, il en passe quand même car aucun système de contrôle n'est efficace à cent pour cent. Comme les journalistes qui annoncent les trains qui n'arrivent pas à l'heure en ignorant la foultitude de ceux qui arrive à l'heure, ces mêmes journalistes ne parlent que des quelques vandalismes/bidonnages qu'ils connaissent parce que restant un temps suffisamment long mais ils ne parlent jamais de tous les vandalismes/bidonnages qui tous les jours sont effacés dans les quelques minutes, les quelques heures de leur création. Cela s'appelle relativiser les faits, hiérarchiser l'information pour des journalistes sérieux, cela s'appelle sensationnalisme pour les pondeurs de copies.
Si les affaires Seigenthaler et Berlin Boys sont des vrais bidonnages, comme d'ailleurs l'affaire Léon-Robert de l’Astran, citée dans un autre article de ce dossier, sur la Wikipédia francophone (cf. mon message du 9 juin 2010) qu'il est normal de citer en exemple, il en est tout autrement de l'affaire de l'EPR. C'est ce qui s’appelle une guerre d'édition, quand deux contributeurs ou plusieurs cherchent à imposer leur point de vue partisan. Cela est chose courante sur un projet communautaire ou chacun a le même pouvoir éditorial. L'exemple caricatural est effectivement l'article Dieu de la Wikipédia francophone cité par Arnaud/Nonopoly sur lequel au moins un contributeur de mauvaise foi, sans jeu de mot, a décidé, comme spécialiste autoproclamé des questions religieuses, d'imposer son seul et unique point de vue
Cet article bonus en une page relate des faits précis, même s'ils ne sont pas toujours exacts, le don de Google était de 2 millions de dollars et non de $ 500 000 (cf. mon message du 25 mai 2013), mais il faut comprendre que nous ne sommes pas dans une relation business. Combien de fois faudra-t-il répéter et répéter encore que l'ensemble des projets de la Wikimedia Foundation n'ont aucune valeur ? Et que jamais, ils ne pourront en avoir pour une raison simple : les contenus n'appartiennent à personne ou plutôt à tout le monde. Combien de fois faudra-t-il répéter et répéter encore qu'une encyclopédie libre ne veut pas dire libre d'y écrire ce que l'on veut, comme l'on veut ? Mais que libre veut dire liberté d'utilisation des contenus, que ceux-ci sont dans le domaine public par la grâce d'une licence Creative Commons paternité partage à l’identique.
La question importante que peut soulever les faits rapportés est : qu'elle est la puissance éditoriale de Wikipédia ? Et qui détient cette puissance éditoriale ? Et la réponse est ... tous les contributeurs de Wikipédia au travers des contributions de chacun d'eux, tous les contributeurs possèdent une petite partie de la puissance éditoriale. Il n'y aura jamais, comme certains le souhaitent, de comité éditorial, personne ne veut laisser à d'autres le soin de décider pour lui. Personne ne peut imposer aux contributeurs d'une Wikipédia de suivre telle ou telle ligne éditoriale, la seule ligne éditoriale de Wikipédia est : ne retranscrivez que ce que vous êtes capable de sourcer. L'exemple des fermetures de site pour protester contre telle ou telle loi n'a jamais été le fait d'une décision d'un comité supérieur quelconque, fusse-t-il le conseil d'administration de Wikimédia Foundation (cf. mon message du 18 janvier 2012). Chaque fermeture de site a toujours été discutée en interne entre contributeurs et les pages de discussion sont toujours visibles pour qui veut se donner la peine de les lire. Ainsi chacun pourra voir que c'est les contributeurs francophones qui ont pris seuls la décision de ne pas faire comme les Wikipédia anglophone, italophone, germanophone etc. Le pouvoir éditorial réside bien dans la communauté des contributeurs et nulle part ailleurs. Quand au pouvoir politique, religieux ou de je-ne-sais-quelle organisation, il va lui falloir beaucoup d'habilité et de temps pour réussir à imposer aux 5000 contributeurs actifs de la Wikipédia francophone des positions partisanes partagées par une petite minorité. Tout le reste est phantasme et rien que phantasme pour ceux qui aime à se faire peur ou qui sont partisans de la théorie du complot. Restons sérieux, cela nous changera des journaleux amateurs de sensationnel.
Wikipédia n’est pas une encyclopédie 1 juin 2013
Pour ce dernier article ou bonus, une interview de Rémi Mathis, président de l'association Wikimédia France et pour une fois je ne commenterai pas ses propos.
Wikipédia n'est pas une encyclopédie, voilà un titre ronflant pour attirer le chaland, oui, mais voilà, cette phrase est tronquée, tous les wikipédiens connaissent cette phrase et la répètent inlassablement comme Rémi Mathis l'a exprimée : « Wikipédia n’est pas une encyclopédie, c’est un projet qui progresse petit à petit » ou dans sa forme courante « Wikipédia n’est pas une encyclopédie, c'est un projet d'encyclopédie » ou pour ceux qui aiment les anglicismes « Wikipédia n’est pas une encyclopédie, c'est un work in progress ». Wikipédia ne sera jamais finie comme une encyclopédie papier imprimée une bonne fois pour toute. C'est le très gros avantage de Wikipédia, l'erreur d'aujourd'hui sera corrigée demain, l'article de base sur une notion importante n'est qu'une ébauche d'article, demain elle deviendra un article de qualité. Ainsi tous les jours Wikipédia s'améliore mais jamais Wikipédia ne sera parfaite ou plutôt aussi parfaite que possible, ce sera toujours un work in progress.
Avant avant hier, c'était vrai parce que le curé l'avait dit. Avant hier, c'était vrai parce que l'instituteur l'avait dit. Hier s'était vrai parce que le journaliste l'avait écrit, la radio l'avait dit, ou la télévision l'avait montré. Aujourd'hui, c'est vrai parce que c'est écrit dans Wikipédia. On sait maintenant par expérience que le curé ne disait pas toujours la vérité, que l'instituteur pouvait se tromper, que le journaliste était d'opinion, que Radio-Paris mentait, parce que Radio-Paris était allemand, que TF1 disait n'importe quoi pour mobiliser notre temps de cerveau disponible et que Wikipédia n'est pas une encyclopédie, parce que c'est un projet d'encyclopédie.
Wikipédia est le meilleur média pour former les esprits et apporter des connaissances (cf. mon message du 2 février 2011). Former les esprits parce qu'un homme citoyen (une femme citoyenne) est un homme qui possède un libre arbitre, qui a un esprit critique pour former son opinion d'homme et de citoyen ; d'homme et de citoyen sachant, sachant le minimum nécessaire pour comprendre son environnement, pour connaître à se connaître, pour savoir sa place dans la société. Ne pas recevoir pour vérité vraie le contenu de Wikipédia, prendre le recul suffisant, exercer son esprit critique pour juger des connaissances présentées dans Wikipédia, chercher à les vérifier en allant aux sources avant de les faire siennes, voilà un projet formateur pour toute une société, un projet dont chaque contributeur peut être fière.
Je ne sais pas ce que dit Rémi Mathis mais avec Jean-Noël Lafargue je dis : Wikipédia n’est pas la cause de la dégénérescence culturelle, mais au contraire une saine réaction, une appropriation de la culture, du savoir, des outils, par de simples citoyens, et je rajoute, c'est l'outil le plus formateur qui soit pour l’honnête homme du XXIe siècle, Wikipédia vaut bien l'Encyclopédie qui fit l'honnête homme de la société des Lumières.
Ainsi va bien Wikipédia.