ACTA deux, scène un

Publié par Hamelin de Guettelet le jeudi 26 janvier 2012

Après Intercettazioni comma 29 en Italie (cf. mon message du 7 octobre 2011), après HADOPI (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet) en France, après COICA (Combating Online Infringement and Counterfeits Act) et SOPA (Stop Online Piracy Act) et demain EPSA (E-PARASITE Act ou Enforcing and Protecting American Rights Against Sites Intent on Theft and Exploitation Act) aux États-Unis (cf. mon message du 18 janvier 2012), c'est maintenant la commission européenne qui vient de signer aujourd'hui dans le cadre de la WTO (OMC - organisation mondiale du commerce) le traité ACTA (Anti-Counterfeiting Trade Agreement) que le parlement européen devrait étudier en juin en vue d'une ratification par les pays membre.



L'acte final de l'Uruguay round, en 1994, officialisant la création de la WTO, officialisait de même le TRIPS (Agreement on Trade-Related Aspects of Intellectual Property Rights). Ce premier accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle était jugé insuffisant pour combattre la contrefaçon principalement industrielle et pharmaceutique qui se développe en Inde, au Brésil, en Russie ou en Chine, pays d'ailleurs tenus en dehors des négociations qui à la différence des négociation internationales, étaient secrètes. Commencées en 2006 à l'initiative des États-Unis et du Japon, des indiscrétions de Wikileaks en mai 2008 soulèvent quelques mobilisations demandant une transparence démocratique sans influence sur le déroulement des négociations sinon la publication d'un avant-projet en 2010. L'accord est devenu officiel et de pleine application le 1 octobre 2011 puisque plus de six pays l'on ratifié à cette date, Australie, Canada, Corée du Sud, États-Unis, Japon, Maroc, Nouvelle-Zélande et Singapour. L'Union Européenne se prépare à le signer aujourd'hui malgré l'opposition de certain comme la Pologne prévoyant une adoption par le Parlement européen en juin où une forte opposition au texte se met en place.

À l'origine prévu pour contourner les blocages à la WIPO (World Intellectual Property Organization - organisation mondiale de la propriété intellectuelle) du Brésil et de l'Inde suivis par nombre de pays dits émergents, ces négociations englobent rapidement tous les aspects du commerce international des contrefaçons et des produits sous copyright piratés principalement la contrefaçon industrielle et pharmaceutique. Cet accord prévoit, par exemple, le blocage transitaire dans des pays signataires de médicaments génériques produits hors brevet même ceux autorisés par l'organisation mondiale de la santé. Cet accord prévoit aussi, à l'image d'HADOPI, la création de dispositif de surveillance et de répressions graduées pour lutter contre la violation de copyright ou le contournement de protection DRM (Digital Rights Management - gestion des droits numériques) ou encore la suppression de métadonnées permettant l’identification d’une œuvre, en responsabilisant les intermédiaires techniques comme les FAI (fournisseurs d’accès à Internet).

Cet accord prévoit des procédures d'intervention ou d'évolution en totales oppositions avec les droits communément reconnus aux citoyens-utilisateurs. Si je peux comprendre et admettre que les débordements de certains utilisateurs d'Internet qui violent les droits de la propriété intellectuelle nécessite la mise en place de procédures répressives, il m'est par contre inadmissible que ces procédures violent elles aussi les droits et la liberté des utilisateurs-citoyens. On ne lutte pas contre une violation de droit par une autre violation de droit car dans ce cas c'est justifier la violation initiale et la porte ouverte à toutes les dérives. Cet accord ACTA s'est déjà suffisamment construit dans l'obscurité et la violation des droits des citoyens et même de certaines institutions démocratiques, comme l’ignorance dans laquelle a été tenu le Parlement européen lors de l'acte un, pour ne pas accepter des dérives supplémentaires dans l'acte deux d'ACTA.

Les diverses oppositions aux divers projets de lois restreignant arbitrairement les libertés des utilisateurs d'Internet ayant fait beaucoup de bruit sur certaines Wikipédias, il est particulièrement étonnant que cet accord, déjà validé et appliqué par les premiers signataires, laisse indifférents les contributeurs de la Wikipédia francophone, comme d'ailleurs HADOPI en son temps. L'intégrité de l'encyclopédie est pourtant menacée si par malheur la Commission européenne signait ACTA aujourd'hui, ouvrant ainsi la porte à une adoption en juin par le Parlement européen et à une transcription alors obligatoire dans le droit français par le Parlement français.

Ainsi va Wikipédia comme va Internet.