Le royaume de l'injustice

Publié par Hamelin de Guettelet le lundi 23 septembre 2013

Il existe un pays en Europe où un mauvais chanteur sur des bateaux de croisière peut devenir un promoteur immobilier spécialiste des pots de vin, où un patron de chaînes de télévision faussaire en écritures comptables peut devenir un politicien d'extrême droite qui se maquille en centre droit pour se transformer en politicard véreux et faire voter des lois permettant sa propre amnistie. Mais sa vraie personnalité, c'est d'être un coureur de jupons qui organise des soirées bunga-bunga avec des lolitas intéressées.

Ce pays, c'est l'Italie, le pays de la pizza Capricciosa et du vin Est! Est!! Est!!!, de la Vespa et de la Testarossa, d'Ennio Morricone et de Paolo Conte, de Federico Fellini et Anna Magnani, de Giuseppe Verdi et Va, pensiero, de Dante Alighieri et Umberto Eco, de Michelangelo di Buonarroti et de la chapelle Sixtine, du Ponte Vecchio et des lupanars de Pompei, de la Toscana et du lacus larius et de ...

        Claudia ...
            un soir sous les étoiles avec la musique de Marino Marini,
            une nuit avec la musique de la mer sur la plage de Rimini.

C'était ... c'était il y a bien trop longtemps.

Aujourd'hui l'Italie, c'est le royaume de l'injustice.

C'est le pays où n'importe quelle personne peut traîner n'importe qui devant un tribunal civil pour lui réclamer des millions d'euros, il suffit juste de prononcer, comme un Jean-Jacques Georges ou un Suprememangaka en plein délire, le mot magique de diffamation. La diffamation, en droit italien, est un délit pénal encore punissable de la prison, de nombreux journalistes italiens font régulièrement les frais des dispositions de l'article 595 du Code criminel. La première chambre civile de la Cour de cassation a profondément innové en 1984, permettant à ceux qui se sentent diffamer de demander directement un dédommagement devant les juridictions civiles, sans la nécessité d'un procès devant un tribunal pénal ; il n'est plus nécessaire de prouver un délit. Un « demandeur » peut engager librement une action en justice auprès d'un juge civil envers un « défenseur », peu importe l'implication de ce défendeur dans l'action de diffamation. L'action en justice peut être engagé directement sans que le « demandeur » ne soit pas tenu de demander que soit prises des mesures pour remédier à la situation. C'est pourquoi la Wikipédia italophone supprime systématiquement toutes les pages ayant trait à ce type de requête civile d'autant plus que le « défenseur » n'a pas toujours, en droit civil du fait de l'exceptio veritatis, la possibilité de prouver la vérité ou la notoriété du fait attribué au « demandeur ».

C'est ce qu'on fait Antonio Angelucci, le père, et Giampaolo Angelucci, le fils, l'un est député avec l'étiquette de Il Popolo della Libertà, le parti de Berlusconi, celui de l'ex-mauvais chanteur sur des bateaux de croisière, l'autre serait rédacteur en chef de deux journaux, Libero et Il Riformista appartenant à la famille Angelucci. Tous deux, pas très satisfait de l'article sur Antonio dans la Wikipédia italophone, ont tout simplement attaqué la Wikimedia Italia et sa présidente Frieda Brioschi, leur réclamant 20 millions d'euros de dommages et intérêts. Rien que cela. Et pourtant les Angelucci ne sont pas des perdreaux de la dernière pluie ou des champignons de l'année, ou le contraire comme vous voulez, ils possèdent déjà un brillant palmarès.

Nous savons tous, que les chapters - association locale - et leur président n'ont aucune responsabilité éditoriale dans le contenu des Wikipédia. En droit européen, c'est le rédacteur de l'article contenant la diffamation qui est seul responsable de son écrit, l'assimilation des publications par Internet à des publications de presse n'est pas reconnue, la responsabilité de l’hébergeur n'est normalement pas engagée. Sous la pression de l'Union européenne, l'Italie est en train de revoir sa législation sur la diffamation pénale pour ne plus condamner à des peines de prison les journalistes mais rien n'est apparemment envisagé pour modifier la législation civile sur la diffamation. Déjà en octobre 2011, la Wikipédia italophone et d'autres opérateurs du net italien avait combattu avec succès la loi dite Intercettazioni et sa Comma 29 (cf. mon message du 7 octobre 2011) qui aurait autorisée le caviardage des articles, peut-être faudra-t-il une mobilisation des défenseurs des droits italiens pour libéraliser encore plus la législation italienne sur la liberté d'expression ?

Aujourd'hui le modèle:Avvisobloccominaccia est apposé sur 17 pages blanchies de la Wikipédia italophone pour cause de diffamation supposée ou réelle.

Ainsi va mal Wikipédia comme va mal la liberté d'expression.

1 commentaire:


  1. Et alors ... Claudia ? A-t-elle porté plainte ? A-t-elle demandé des dommages et intérêts ?

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