L'Origine du monde

Publié par Hamelin de Guettelet le samedi 12 janvier 2008


Origine du monde, 1866 - © Gustave Courbet
Dans ma série des origines, je ne pouvais oublier L'Origine du monde, de Gustave Courbet. Je me rappelle bien le choc que j'ai ressenti en découvrant ce tableau dans la maison même de Courbet à Ornans. C'était en 1991, habitué du Jura, j'allais de Pontarlier à Besançon, après un arrêt à la grandiose source de la Loue, l'annonce d'une exposition Les Yeux les plus secrets attirait mon attention, cela faisait longtemps que je voulais visiter la maison natale de Courbet, voilà une bonne occasion. Depuis, j'ai revu ce tableau après son accrochage au musée d'Orsay à Paris, aujourd'hui enfin exposé aux vues de tous depuis la dation faite par les héritiers du psychanalyste Lacan.

Courbet aurait peint ce tableau d'après sa maîtresse Joanna Hiffernan. C'est son amant James Whistler, peintre américain disciple de Courbet, qui la lui a présentée ; la rupture brusque de Whistler avec Courbet et Hifferman, peu de temps après la réalisation du tableau en 1866, justifierait l'origine.

Terre érotique, 1955 - © André Masson
Toujours est-il que ce tableau se retrouve, caché derrière des rideaux verts, dans la collection d'un diplomate turc Khalil-Bey, ancien ambassadeur de l'Empire ottoman, installé à Paris au milieu des années 60. Ruiné par des dettes de jeu, Khalil-Bey vend sa collection de tableaux en 1868 dans une vente aux enchères, c'est l'antiquaire Antoine de la Narde qui l'achète et le cache derrière un panneau pivotant orné d’un paysage enneigé de Courbet, Le château de Blonay peint en 1875. Les deux tableaux passent entre les mains du collectionneur Émile Vial et en 1910 c'est le galeriste Berheim-Jeune qui rentre en possession du tableau toujours caché derrière le paysage de Courbet. Il vend les deux tableaux en 1913 au baron Ferenc Hatvany qui l’emporte à Budapest, il dissocie alors les deux tableaux, c'est le seul collectionneur à ne l'avoir jamais caché aux regards. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Hatvany, cache une partie de sa collection dans le coffre d’une banque pour la soustraire aux griffes des nazis puis de l’Armée Rouge. Après guerre Hatvany vend certaines toiles pour vivre et s’installer en Suisse. Le château de Blonay est acheté par le Szépművészeti Múzeum de Budapest et, en 1955 c'est le psychanalyste Jacques Lacan qui achète L'Origine du monde et l’accroche dans sa maison de campagne des Yvelines ou Lacan et son épouse, Sylvia Bataille, renouent avec le cérémonial initié par Khalil-Bey. Ils demandent au peintre surréaliste André Masson - beau-frère de Sylvia - de réaliser un cache coulissant pour masquer ce sexe que je ne saurais voir. Masson est l'opposé de Courbet, autant l'un est chef de file de l'école réaliste, autant Masson adhère au mouvement des surréalistes. Il va reprendre les grandes lignes du tableau de Courbet pour tracer un paysage japonisant Terre érotique qu'on ne saurait qualifier de surréaliste ou de réaliste, dès l'instant où l'on a gardé dans l’œil, l’œuvre originale.