Un regard sur les sélections francophones

Publié par Jacquou le lundi 9 décembre 2013

Je dois de dire en entrée, bof ! et rebof !! je n'aime aucune des photographies classées en tête des sélections francophones. Par ordre d'entrer en scène :

Église de Sant Esteve à Andorre la Vieille, par Enfo, licence Creative Commons
Sélection andorrane

Photographie prise au Canon PowerShot G15 équipé d'un zoom 28–140 mm ouvrant à f/1.8-2.8, au 1/1250 à f/2.8 avec un ISO de 160. Un réglage fantaisiste pour un objectif qui n'est pas des plus top, ouvrir à f/2.8 pour shooter au 1/1250 quand il faut diaphragmer pour limiter tous les défauts de l'objectif et principalement les distorsions. Ceci explique cela, la photo est présentée en 1600 x 1200 pixels pour un format original de 4000 x 3000 photosites. Ok la mise au point et l'exposition sont correctes, mais le cadrage ou recadrage est sans intérêt. Qu'est-ce que le jury a bien pu trouver à cette photo pour la classer première ? Mystère et boule de gomme.









Ascenseur n°3 canal du Centre, par Davidh820, licence Creative Commons
Sélection belge et luxembourgeoise

Photographie prise à l'OLYMPUS E-PL1 équipé d'un M.Zuiko 14-42 mm ouvrant à f/3,5-5,6, au 18 mm à 1/40 à f/18 avec un ISO de 200. Photo présentée en plein format 4082 × 3052 pixels sans recadrage. L'exposition est bonne. Le cadrage serait bon si la photo n'était pas surchargée, l'ascenseur est bien placé au 2/3 droit mais la péniche au premier plan emmène le regard vers le bâtiment à gauche de plus la mise au point est faite sur l'avant de la péniche et même à f/18 elle manque de profondeur de champs, le sujet principale, l'ascenseur manque de netteté. Les couleurs ont été retravaillées en post-production pour accentuer les rouges ce qui est d'aucun intérêt pour le sujet principal, faisant d'autant plus ressortir les deux sujets accessoires et principalement les briques du bâtiment qui manque de naturel.






Hoodoos et aurores boréales, à Drumheller en Alberta,
par Keith E. Doucet (user:Kdoucet), licence Creative Commons
Sélection canadienne

Aucune information EXIF pour cette photographie prise très certainement en longue pose avec un traitement post-production pour faire quoi ? Pas grand chose d’intéressant, une tonalité de rendu sans caractère qui ne réussit même pas à mettre en valeur l'aurore boréale, le tout en format vignette 1024 × 768 pixels. Deux photos déposées par l'auteur, deux petits formats, jamais d'EXIF complets. Comment le jury canadien a-t-il fait sa sélection ? En fonction de quels critères ? Il a fallu que j'aille chercher dans les autres photos téléchargées et non retenues par le jury pour trouver des photos beaucoup plus intéressantes même si beaucoup de photos étaient plus illustratives de bâtiments que de photos un peu travaillées à la prise de vue.







Pont Saint-Bénezet, Avignon, par Chiugoran, licence Créative Commons
Sélection française

Photographie faite au Canon Eos 5D Mark II équipé d'un objectif EF 24-105mm f/4L IS USM à la focale de 35 mm, au 1/100 à f/8 avec un ISO de 100. Cette photo est intéressante par sont atmosphère dû à un gros travail de post-production puisque cette photo est normalement surexposée d'au moins 1 ou 1.5 EV, nous sommes au alentour d'un EV de 13 ce qui correspond à un ciel nuageux ce qui n'est pas franchement le cas, nous devrions avoir un EV d'environ 14 1/3 ou 14 1/2 or ce n'est pas le rendu. Le manque de contraste, la montée des bleus dans les ombres peuvent être une indication d'un travail de post-production qui devient évident quand on remarque le rendu des verts. Je suis tombé sur une autre photo du même pont faite par le même appareil photo à défaut d'être par le même photographe déclaré. Cette photo en plan large prise au 1/320 à f/8 avec un ISO de 100, donne un EV de 14 beaucoup plus réaliste. Quoi qu'il en soit ce n'est pas ma préférée de la sélection française.

Ascenseur du Hammetschwand,
par Gindegg, licence Creative Commons
Sélection suisse

Photographie prise au SONY DSLR-A850 (objectif inconnu) à la focale de 12 mm, au 1/60 à f/4.5 avec un ISO de 100. D'office cette photo me gène, la tour d’ascenseur penche du coté où elle va tombée, juste une petite rotation ramènerait l'horizon horizontal et la tour verticale. Mais le pire irrattrapable en post-production est la superposition passerelle-tour qui rend les éléments graphiques beaucoup moins lisibles. En se déplaçant de 2/3 mètres sur la gauche, le photographe réussissait sa photo, dommage ! Pour le reste, l'exposition est bonne, la mise au point aurait gagnée à être faite sur l'hyperfocale pour étendre la netteté jusqu'à l'infini. Le recadrage (5801 × 3867 pixels sur 6048 x 4032 photosites) méritait d'être un peu plus travaillé, ici le photographe a hésité entre un sujet centré ou déporté au tiers, à la fin du compte, c'est ni l'un ni l'autre, en se décalant sur la gauche, il était possible de mettre la tour au tiers gauche et d'avoir un bon graphique avec la passerelle sur toute la droite habillant bien la photo. Si le ciel est bien rendu par contre la couleur du lac ne fait pas très naturel sous cet éclairage.




Voilà, Hamelin, pour tes lecteurs, mon avis sur les sélections francophones, du bon et du moins bon. J'ai regardé aussi dans les sélections si une photographie me plaisait mieux que la classée première. Le choix n'a pas trop été difficile sauf pour la sélection canadienne, rien de très intéressant, j'ai donc été faire un tour parmi les 2543 autres photos téléversées dans le cadre de ce concours.

Voilà ci-dessous ma sélection


Église Sant Cristòfol d'Anyós, par Cdani, licence Creative Commons
Ma sélection andoranne

Photographie prise au SONY DSC-HX200V équipé d'un Vario-Sonnar Zeiss de 2.8-144 mm f/2.8-5.6, à la focale de 4,8 mm au 1/320 à f/2.8 avec un ISO de 100. L'exposition est parfaite, la mise au point aurait pu gagner théoriquement en profondeur de champ en fermant le diaph, il était possible de descendre en vitesse sans problèmes. J'écris théoriquement mais en fait cette photo met malheureusement en valeur les défauts, non pas de l'objectif, mais du traitement des surfaces plus ou moins unies qui sont rendues sans détail, cela est caractéristique pour l'herbe au premier plan et les arbres en arrière plan, il est vraiment dommage que Sony adopte ce traitement d'image soi-disant « super résolution », un argument marketing bidon qui empêche de profiter au mieux des 18 mégapixels redonnés ici en totalité puisque la photo en 4896 × 3672 pixels n'est pas recadrée. Pour le cadrage un peu plus d'air sur la droite aurait été un plus. Une photo classée cinquième et qui est bien meilleure en tout point aux quatre premières.


Ma sélection belge et luxembourgeoise
Citadelle de Namur, par Johan Bakker (user:GVR), licence Creative Commons

J'ai hésité entre la photographie classée deuxième, la citadelle de Namur, et celle classée cinquième, le jardin botanique de Brussel, d'ailleurs toutes deux du même photographe comme d'ailleurs la photo classée quatrième. La photographie que je préfère finalement est celle de la citadelle de Namur prise au Canon EOS 600D équipé du EF-S 18-55mm f/3.5-5.6 IS II, à la focale de 18 mm au 1/1250 à f/4 avec un ISO de 200. Pourquoi 200, pourquoi 1/1250 ? Je suis toujours favorable à un ISO le plus faible possible même si les capteurs ne donnent un bruit significatif que dans les ISO plus élevés. Le 600D a une résolution de 3456 x 2304 photosites et le photo fait 14075 × 5090 pixels donc ... merci PhotoStitch et Photoshop pour ce montage parfaitement réussi. La technicité de l'assemblage qui nécessite des prises de vue parfaites dénote de grandes qualités de photographe. On retrouve aussi la même technique dans la photo du jardin botanique.


The British Columbia Legislature, d'après Fsubra, licence Creative Commons
Ma sélection canadienne

Comment le jury canadien a pu passer à coté de cette photographie, elle méritait d'être distinguée pour au moins deux raisons, la première, une raison technique. Regardez les photos de bâtiments de nuit, tous les photographes cherchent à rendre ceux-ci les plus visibles possible. Ici, l'exact contre-pied, le bâtiment est à peine visible par quelques détails, juste le contour dessiné par les guirlandes d'ampoules électriques. Cela est parfaitement réussi, j'ai essayé de faire monter des détails de ce fond sombre, aucun intérêt, c'est exactement comme cela qu'il fallait traiter cette prise de vue. Une deuxième raison historique. Au XVIIIe siècle, pour la fantasmagorie, une technique de projection de lanterne magique, quand des dessins sur papier translucide étaient projetés, la puissance lumineuse étant faible, les contours du dessin étaient soulignés de trous d'aiguille. Cela donnait le même résultat. PENTAX K-x équipé du smc-DA L 18-55mm F3.5-5.6, à la focale de 18 mm au 1/250 à f/3,5 avec un ISO de 1600. J'ai redressé la perspective.

Adoration des mages, Cathédrale de Strasbourg, par Claude
Truong-Ngoc (user:Ctruongngoc)
, licence Creative Commons
Ma sélection française

J'ai déjà beaucoup parlé, ici sur le blog d'Hamelin, de ce photographe et de cette photographie prise au Canon EOS 7D équipé du EF-S18-135mm f/3.5-5.6 IS à la focale de 79 mm au 1/125 à f/6.3 avec un ISO de 100. Il y a beaucoup de photographies noir et blanc dans le Wiki Loves Monuments 2013, mais il y en a très peu de réussies, et parmi celles réussies, celle-ci est parfaite. Claude Truong-Ngoc serait-il lecteur du blog d'Hamelin ? J'avais fait ici-même une petite critique de cette photo le 26 novembre et le 28, il corrigeait ce défaut en recadrant la photo pour redresser la perspective et surtout pour supprimer les taches de lumière. Dommage qu'il ait voulu garder le même format, obligeant à une interpolation qui ne peut que dégrader la qualité. Enfin bon, là, je pinaille encore, puisqu'on joue sur quelques dizaines de pixels, mais juste un recadrage était suffisant, le redressement de la perspective est peu visible donc peu utile.

Je dois donner ici une précision. Pour moi, une photo noir et blanc se justifie quand la couleur n'apporte rien de plus au sujet photographié. Il ne faut pas faire du noir et blanc, sur n'importe quel sujet uniquement dans le but de faire photographe d'art, n'est pas Henri Cartier-Bresson ou Lucien Clerge qui veut. Les rencontres d'Arles 2013 viennent de faire un point précis sur la question avec Arles in black. Claude Truong-Ngoc a réalisé quelques photos noir et blanc, certains portraits, qui ne dépareraient pas les cimaises des Rencontres.







Viaduc de Wiesen, par Kabelleger, Licence Creative Commons
Ma sélection suisse

Photographie réalisée au Canon EOS 50D équipé du EF-S 17-55mm f/2.8 IS USM, à la focale de 18 mm au 1/800 à f/5 avec un ISO de 100. L'exposition est bonne, ici pas suffisamment de surface de neige pour que celle-ci puisse avoir une influence sur l'exposition. La mise au point était perfectible, trop devant le sujet (le pont et le train, les inscriptions sur ce dernier sont peu lisibles). Le composition horizontale plein centre est rarement une bonne solution, ici cela passe bien, comme quoi, il faut savoir oublier de temps à autre les règles de base. Il ressort de tout cela une sensation de sérénité, d'équilibre du à la composition mais aussi à la tonalité générale, pas d'explosion de couleurs, du blanc, du gris, tous les gris, les gris verts, les gris bleus, les gris orangés, un ciel de bleus fondus et un trait, un train rouge qui barre la composition. Simple mais efficace




Je vous en présente une petite dernière pour la route, c'est mon coup de coeur, et j'aimerais bien la voir distinguer par le jury international. Elle a tout pour elle, bien exposée, bonne mise au point, bon équilibre des couleurs, bon cadrage (oui je sais elle est sévèrement recadrée) et ... de la chance, encore de la chance et toujours de la chance.

Éclairs sur le Potala, par 李国强, licence Creative Commons
Photographie prise au Canon EOS 550D équipé du EF 16-35mm f/2.8L II USM, à la focale de 22 mm au 10 sec à f/6.3 avec un ISO de 200. Combien de photos pour réussir à saisir un éclair en 10 secondes le temps de la prise de vue ? Mystère et boule de gomme ! Le principale est que le résultat soit là avec un éclair juste sur la diagonale. Évidement un champ large, pas le plus large possible pour limiter les aberrations de l'optique, il reste une photo de 2600 × 1733 pixels pour 5184 x 3456 photosites à l'origine, elle peut effectivement être bien cadrée, mais fallait-il penser à se donner suffisamment d'air autour du sujet pour saisir l’insaisissable. Résultat : rien à dire sinon félicitations.

Il nous reste maintenant à attendre les résultats.