Ils changent le monde ou du moins essaient

Publié par Hamelin de Guettelet le lundi 29 juillet 2013

Caroline Fourest, par ordre d'entrée en scène, journaliste (Transfac, 1994), militante (féministe, 1997) et essayiste (Les sponsors du FN, 1998), produit et anime chaque été depuis juillet 2012 une émission « Ils changent le monde ou du moins essaient », qui, sur le site de France Inter se présente ainsi :
« Régulation de la finance, écologie, printemps arabes, droits de l’homme, droits des femmes ... Ils ont chacun leurs priorités, leurs leviers, leurs idées.
Qu’ils soient activistes ou banquiers, grands patrons ou serviteurs de l’État, blogueurs ou chercheurs ...
Vous les appellerez comme vous le voulez : élite, corps intermédiaires ou forces vives. En tout cas, ils bougent et le monde avec. Parfois même, ils tutoient les puissants et croisent la grande histoire. Nous avons voulu savoir comment ils ont fait pour devenir influents et ce qu’il ont fait de ce pouvoir. Histoire d’avoir une idée du monde qui se prépare. »
Le 26 juillet le « cyber-invité du jour est un visage rare. Celui que des milliers d’internautes rêveraient de rencontrer pour lui demander des comptes sur le monde du savoir qu’il nous prépare. [...] J’ai voulu en débattre avec Rémy Mathis, médiateur sympathique et timide d’une machine anonyme ultra-puissante. Qui peut fabriquer le meilleur : le savoir accessible à tous ... comme le pire : la propagande déguisée en savoir ... Conservateur de bibliothèque de formation, il nous reçoit au siège de Wikipédia (ndr : Wikimédia France). Dans la salle de réunion d’un appartement parisien de style haussmannien transformée en salle de rédaction numérique. Le monde d’hier sous les pieds de ceux qui ont entre les mains le pouvoir de trier ce qu’on en pensera demain ... »



Un entretien de 26 minutes où deux logiques s'affrontent, s'opposent sans jamais se rencontrer, s'écouter, se comprendre. Chacun reste dans sa logique sans même chercher à convaincre l'autre. D'un coté, une communauté trop homogène donc non représentative ayant une vision complotiste, de l'autre, une communauté qui empêche les fonctionnements déviants dans le respect des règles de l'encyclopédie avec une transparence complète des actions de chacun.

Pour Caroline Fourest, trois critiques de Wikipédia peu étonnantes quand on connait le parcours de cette journaliste-militante-essayiste qui se présente aussi comme une intellectuelle :
  • Wikipédia comporte un biais important, la communauté n'est pas représentative de l'universel, elle est trop homogène ;
    • « elle réuni des gens qui ont un certain nombre de points de vue en commun qu'on retrouve sur les pages de Wikipédia de façon très claire, qui sont des points de vue générationnels [...] du coté des thèses d'un certain nombre de leaders d’opinion qui sont très controversés et qui règlent des comptes à travers le point de vue des wikipédiens » (ndr : vision exagérément complotiste) ;
    • « la masculinité [...] d'après vos propres chiffres, sur l'ensemble de la communauté, vous avez apparemment seulement 15 % de femmes et 9 % parmi les [administrateurs] forcement ça entraine un regard  et notamment cette polémique qui a eu lieu aux États-Unis sur le fait qu'à un moment donné vous avez sortie de la liste des écrivains, les écrivains femmes, qui devenaient une sous catégorie [...] les femmes écrivaines américaines qui étaient donc sorties de l'universelle. » (ndr : rien ne prouve, hormis un regard biaisé, que cette catégorie soit l'expression d'une volonté sexiste) ;
    • « la diversité de cette communauté est très clairement un enjeu pour la qualité de l'information [...] et en même temps vous comprenez que c'est un bras de fer sans fin, puisque c'est un bras de fer entre des gens qui peuvent passer leurs journées à ça, faire partie de votre communauté, négocier des heures sur Internet pour changer une virgule et il y a des gens peut être intéressants qui n'ont pas ce temps là et qui sont peut être pourtant bien placés pour connaître les sujets dont il est question. Donc du coup, ça crée dans ce nouveau monde de l'information, une prime à ceux qui ont pas forcément les meilleurs connaissances, simplement peut être plus de temps à perdre et pardon, ça pèse dans la nouvelle valeur de la connaissance ou celui qui parle est le mieux placé pour parler quand il connait le moins le sujet et celui qui connait le sujet dont il parle dont il est question, et parfois dont il est objet et le premier suspect. C'est comme un renversement de valeur qui est un bouleversement, pour ce coup-là, vous êtes en train de changer le monde » (ndr : simple spéculation, argument des plus spécieux manquant de statistiques pour l'étayer).
  • Wikipédia comporte un autre biais grave, les biographies de personnalités sont présentées en fonction de critères manquant de pertinence :
    • « il y a un autre biais de société que l'on retrouve régulièrement sur vos pages, c'est que les intellectuels ou les journalistes juifs sont systématiquement présentés en fonction de leurs origines juives ce qui n'est pas le cas pour les autres [confessions]. [...] Je peux vous dire certainement, c'est qu'il y a des écrivains, des personnalités, des intellectuels, qui sont présenté en fonction de leurs ascendances juive, qui n'ont jamais travaillé sur la question, qui n'ont jamais spécialement abordé ce sujet. » (ndr : plutôt d'accord).
    • « on voit bien que quand même l'homogénéité des wikipédiens est présente dans un sens ou dans l'autre, il suffit de regarder toutes les pages d'un certain nombre de militants d’extrême droite ou d’extrême gauche proches des complotistes ou proches d'un certain nombre de nébulosités d'idéologie très affirmées et très présentes dans la communauté des wikipédiens (je parle de militants de lutte contre l'avortement, d'auteurs condamnés pour des faits de contrefaçon ou plagia) où il n'est jamais mentionné sur leur fiche leurs positions controversées et quand des contributeurs, qui font toutes les démarches des wikipédiens, qui essayent de négocier, qui apportent des preuves de ce qu'ils avancent, le mettent sur les fiches, c'est systématiquement enlevé. » (ndr : plutôt d'accord aussi).
  • Wikipédia comporte un biais encore plus grave, le noyautage de la communauté par des groupes d'intérêt qui feraient valoir leurs opinions au détriment de la neutralité ;
    • « sur des sujets très porteur de points de vue justement, vous dites que vous faites une synthèse des points de vue, mais non, en réalité, il y a qui a les moyens d'engager des wikipédiens à temps plein pour être sur ces forums, toute la journée au Bistro et faire gagner un point de vue et qui n'a pas les moyens, c'est une société des rapports de force, en réalité, votre point de vue, soit disant diversifié, mais en plus, vous ajoutez un refus clair et net, de laisser une fenêtre (ndr : un droit de réponse) simplement quand une personne est attaquée et n'a pas les moyens de payer ces armées de wikipédiens qui passent leur vie à faire ça pour faire un droit de réponse. Vous êtes deux fois plus injuste qu'un journal normal. » (ndr : oui, mais voila Wikipédia est une encyclopédie et non un journal).
Ces trois critiques sont a considérer au regard de la personne qui les fait. Caroline Fourest est une journaliste particulièrement engagée et elles reflètent dans sa vision de Wikipédia ses convictions et malheureusement trop souvent émises sans preuve ; des impressions, des croyances ne sont pas suffisantes. Caroline Fourest devrait le savoir, elle qui se targue dans ses livres de toujours sourcer ses informations. Je ne peux donc que suivre partiellement ses critiques. Si les bibliographies manquent effectivement de rigueur, cela dépend trop des contributeurs mobilisés sur les articles de ces personnalités, patrouilleurs, neutralisateurs, PoV-pushers ou PoV-pushers anti-PoV ou encore contributeurs pris innocemment entre des volontés qui les dépassent. Et là, sa dernière critique prend un peu plus de valeur. Nous avons aujourd'hui quelques preuves de l'organisation de groupes d’intérêt, politiques, religieux ou économiques, et de prestations de conseillers en e-réputation, qui tentent tous de plier Wikipédia  à leur seule vision partisane en faisant fi des règles de neutralité encyclopédique.

À titre d'exemple, il est particulièrement édifiant de comparer l'article de Wikipédia sur Caroline Fourest que celle-ci critiques fortement et sa biographie officielle de son site personnel dont n'importe quel contributeur de Wikipédia critiquerait le neutralité.

Contrairement à sa précédente prestation télévisuelle, cette prestation radiophonique de Rémy Mathis est beaucoup plus convaincante. Son argumentation est plus rigoureuse. Il est présenté par son intervieweuse comme le visage français de Wikipédia « je ne sais pas si je suis le visage français de Wikipédia, d'abord, parce que Wikipédia, c'est plein de gens qui travaillent [...] c'est en tant que président de Wikimédia France que j'interviens dans les médias pour expliquer un petit peu comment fonctionne Wikipédia » Si j'aurai apprécié une phrase supplémentaire pour positionner WMF - Wikimédia France - par rapport à Wikipédia et autres projet, je ne fais pas partie de ces contributeurs qui ne veulent absolument pas entendre parler de WMF. Pour moi Wikipédia et d'autres projets de la Wikimedia Foundation sont fortement redevables aux chapters (antenne locale) comme WMF pour trois raisons principales :
  • le recueil des dons qui nous évite la publicité ;
  • le développement des partenariats GLAM - Galleries, Libraries, Archives and Museums (Galeries d'art, Bibliothèques, Archives et Musées) - pour l'ouverture de leurs fonds au public ;
  • les actions de formation à la contribution des publics potentiel.
Si tous les contributeurs de Wikipédia peuvent prétendre à expliquer aux médias et sur les médias les fonctionnements de Wikipédia et de sa communauté, l'exercice n'est pas facile et des exemples passés ont déjà démontré la difficulté en ayant exposé au public quelques fiascos dommageables pour Wikipédia.

Rémy Mathis a profité des questions très critiques de Caroline Fourest pour faire passer plusieurs messages bien venus :
  • sur Wikipédia, il « existe des règles assez précises écrites, pour une partie, et des traditions, si on peut dire, pour une autre, ce qui veut dire qu'à partir du moment où on se conduit mal, on sera bloqué, exclus, on ne pourra pas écrire. Alors qu'est-ce-que ça veut dire que de ce conduire mal ? Ça veut dire ne pas respecter les règles, règles, qui sont bien évidemment, de se montrer neutre, de citer ses sources, de toujours attribuer les points de vue à une personne pour que l'on puisse comprendre sur un article qui dit quoi, pourquoi on a ajouté ça et bien sûr, entre wikipédiens, respecter l'autre, parce que les wikipédiens sont avant tout une communauté de personnes qui sont appellés à travailler ensemble et qu'à partir du moment où on ne se respecte pas, ou on s'engueule, le travail deviendra moins agréable et surtout moins efficace » ;
  • « il y a tout un tas de règles pensées qui expliquent ce qu'on peut faire ou ne pas faire et particulièrement en direction de ceux qui n'ont pas l'habitude de contribuer sur Wikipédia. Parce qu'il y a quand même une très très grosse partie du texte qui est amené sur Wikipédia qui vient de personnes qui n'ont pas de compte et qui agissent une fois de temps en temps et qui balancent en une seule fois tout un article. [...] il est important aussi que ces personnes là soient traitées de façon humaine aussi pour leur donner l'envie de s'impliquer plus et de faire en sorte que cette communauté continue à grandir et à vivre. » ;
  • « sur Wikipédia [...] tout est transparent,  tout est visible par tout le monde [...] toute action va être surveillée, scrutée, regardée par toute une communauté [...] ça permet de se débarrasser du vandalisme un peu bête de manière aisée, mais aussi [...] de se rendre compte pour quelles raisons ils interviennent, sur quels articles [...] donc on sait très très bien cibler les personnes susceptible de poser problème » ;
  • « si on se rend compte qu'elles abusent, qu'il n'y a décidément pas moyen de travailler parce que leur but n'est pas d'améliorer Wikipédia mais de faire passer un biais - ce qu'on appelle PoV-pushing - et ces personnes, si elles vont trop loin, vont finir bloqués » ;
  • si vous constatez quelque chose qui ne serait pas pertinente, « je peux vous conseiller de faire comme tout wikipédien, aller sur une page qui s'appelle le Bistro, un endroit où les wikipédiens discutent pour savoir ce qu'il faut faire et pointer éventuellement quelques exemples où ça ne vous semble pas pertinent et il y aura certainement des débats très intéressants. »
Par contre il est une affirmation plutôt étonnante de Rémy Mathis, enfin étonnante, en public, sur un média alors que beaucoup cherche à cacher ce qui est aujourd'hui une évidence pour tout bon observateur de Wikipédia, Rémy Mathis, donc, nous confirme que pour introduire dans Wikipédia un biais, c'est-à-dire faire du PoV-pushing, il faut être un contributeur actif et régulier bien introduit parmi les contributeurs de l'encyclopédie, être un wikipédien "canal historique", étonnante révélation :
  • « finalement, si on veut réussir à modifier Wikipédia avec un biais, il faut participer à Wikipédia de manière sérieuse et être là souvent et ne pas rester sur une même thématique précise, ce qui veut dire en fait devenir un wikipédien "canal historique". »
    Nous savions déjà, comme observateur attentif de Wikipédia ce que Rémy Mathis confirme ainsi. Des intérêts de circonstance réunissent des contributeurs actifs et bien reconnus en des groupes de PoV-pushers, se présentant comme des neutralisateurs, qui chacun cherche à imposer son propre PoV. Cela est à regarder de près car contrairement à la réponse de Rémy Mathis qui soutien que de tels contributeurs seraient repérés et bloqués ou bannis de Wikipédia, en plus de faits patents de groupes de pression ou de spécialistes de la e-réputation ou encore d'achats de contributeurs reconnus pour agir dans un sens précis et qui pour certains ont clairement déclaré agir dans le sens d'intérêts particuliers, un observateurs attentif de Wikipédia connait les pseudos de contributeurs spécialistes du PoV-pushing anti-PoV qui agissent avec autorité sur des articles particulièrement controversés sans que la communauté, sensée les déceler pour les exclure, n'agisse vraiment avec l'efficacité qu'elle montre habituellement envers les PoV-pushers de passage.

    Nous apprenons aussi, au détours d'une longue réponse de Rémy Mathis sur les faits récents qui ont opposé Wikipédia à la DCRI - direction centrale du renseignement intérieur - que cette lamentable affaire c'est terminée par des rencontres entre WMF et [la DCRI] pour « mettre au point des manières de faire qui soient respectueuses de tout le monde au milieu de la loi française qu'on cherche à appliquer bien évidemment. » Il faut comprendre que la DCRI n'aura plus besoin de menacer de complicité l'administrateur de Wikipédia et président de WMF pour obtenir discrètement la suppression de contenu de l'encyclopédie qui la gène.

    Globalement cette interview n'apprend pas grand chose à un contributeur habituel de Wikipédia bien informé mais pour tout ceux qui ne connaissent pas ou qui connaissent mal l'encyclopédie en ligne, il peut être intéressant. Nous regretterons encore une fois de plus que Rémy Mathis n'ait pas ou pu parler des autres projets de la Wikimedia Foundation.

    Ainsi va bien Wikipédia.

    2 commentaires:

    1. Monsieur Mathis n'est rien, il ne représente que lui-même. La fondation n'est rien, elle ne représente qu'elle-même. On n'a rien à faire d'eux, ce ne sont que des beaux causeurs.

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      1. Rémi Mathis est contributeur à Wikipédia, ancien administrateur, et de plus président de Wikimédia France.

        Wikimédia France est une association à but non lucratif qui collecte les fonds qui permettent à la Wikipédia francophone et les autres projets francophones de la Wikimedia Foundation de continuer à exister.

        Si vous êtes contributeur ou même lecteur vous avez donc à faire d'eux. Vous pouvez lire ou écrire sur Wikipédia grâce à eux.

        Il ne suffit pas d'être un beau causeur pour être interviewé par la médias, il faut aussi connaître les codes pour éviter de faire perdre du temps aux journalistes

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